Trait bleu

Bablon, Jacques

Jigal

  • Conseillé par
    8 mars 2015

    Roman déjanté qui se passe en pleine campagne profonde états-unienne. Les bars louches avec filles qui se trémoussent ou musiques traditionnelles-country, les routes défoncées, les flingues dans toutes les mains, les grands espaces, ... Les voyous aussi de tous bords, les voyous gentils un peu comme le narrateur et puis les méchants, les vrais durs qui n'hésitent pas à torturer, violenter et tuer pour récupérer leur paquet de fric. Ça déménage. Jacques Bablon ne fait pas dans le léger. Pour reprendre une image du bouquin, on n'est pas accompagné de Rachmaninov, mais plutôt d'un bon vieux groupe de Bluegrass : tendez l'oreille, vous entendez les banjos, violons et guitares et même les bruits des bottes des joueurs et spectateurs qui battent la mesure rapide sur le parquet du rade local. L'histoire va vite, à peine un problème semble-t-il résolu qu'un autre surgit, c'est même sidérant de voir qu'autant de choses peuvent arriver à un mec en seulement 150 pages ! Et je vous épargne les belles rencontres féminines pas nombreuses mais marquantes.


    Passons à l'écriture, elle colle parfaitement à l'histoire : un style rapide, des phrases courtes, parfois nominales, de l'argot, du langage familier, peu de dialogues, de l'humour, du détachement, de la désinvolture, un vrai style roman noir, bien poisseux, un truc qui vous colle à la peau et ne vous lâche plus comme ce livre qui, une fois ouvert, empêchera toute velléité de le quitter avant la fin. De l'efficace, du jouissif, un pur plaisir de lecteur amateur de polar ou pas -et en plus, je confesse ne point trop aimer les romans états-uniens (mais bon, celui-ci est écrit par un Français), c'est dire s'il est bon. Pour vous mettre définitivement -sans espoir de passer à côté- l'eau à la bouche, je vous cite le tout début, qui est aussi la quatrième de couverture :

    "Tout a commencé quand on a retrouvé le corps de Julian McBridge au fond de l'étang que les Jones avaient fait assécher pour compter les carpes. Ils auraient plutôt eu l'idée de repeindre leur porte de grange ou de s'enfiler en buvant des Budweiser et c'était bon pour moi. McBridge n'était pas venu ici faire trempette, ça faisait deux ans déjà que je l'avais balancé là par une nuit sans lune avec un couteau de chasse planté dans le bide. 835 carpes et 1 restant de McBridge. Les Jones avaient un cadavre sur les bras, ils ont commencé à se poser les questions qui vont avec et, de fil en aiguille, les flics ont fini par me mettre la main dessus." (p.5)


  • Conseillé par
    2 mars 2015

    Un polar qui décape à l'acide, jubilatoire !

    Ce polar, surprenant, est un morceau de rock speed où les personnages s'agitent sur une section rythmique dingue. Chacun y va de son solo à un moment ou un autre mais c'est l'ensemble qui compte et c'est rudement bien composé et joué ! Des personnages originaux, francs du collier, chacun connait son rôle et sa partition mais parvient tout de même à nous surprendre au détour d'une phrase choc ou d'une métaphore de compèt...

    L'écriture est tellement cinématographique que l'adaptation ne devrait pas nécessiter trop de taf pour fixer cette histoire sur grand écran. Un style fait sur mesure pour, des rebondissements en cascade, du suspense, des situations qui ne sont jamais tout à fait ce que le lecteur pense qu'elles sont, bref, une lecture passionnante, un récit qui ne relâche pas un instant la pression. C'est un sprint, pas un marathon, et il y a là toute l'intensité de l'effort court mais hyper violent, des enchaînements sans pause, des protagonistes sans cesse au-dessus du vide dans l'équilibre précaire qu'a bien voulu accorder l'auteur.

    De surprises en bagarres, de flirts en amitiés fulgurantes, le héros en apprend de belles sur lui-même et son pote et il digère comme il peut les renseignements qu'il n'a pas forcément cherchés mais qui lui parviennent de gré ou de force comme des coups de matraque.

    Un excellent roman, atypique, riche, furieux, dingue comme un jeune chien, parfois très drôle, un peu macabre mais jamais, à aucun moment, ennuyeux. Bien au contraire. Une ambiance à la Fantasia chez les ploucs, de vrais méchants et de faux bad boys, ce bouquin là, mon vieux, il est terrible !

    La suite de la chronique et la musique du livre sur Quatre Sans Quatre (http://quatresansquatre.com/article/chronique-livre-trait-bleu-de-jacques-bablon-1424797855)