La Livrophile

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Boulimique de livres (150 à 200 par an), que je chronique sur mon blog à raison de 2 à 3 fois par semaine.

Le Démon de Blue Ball

Folio

10,40
Conseillé par
2 novembre 2010

L'histoire et les thèmes abordés dans ce roman sont intéressants. Tristan Egolf évoque sans complaisance le thème de l'intolérance, de la peur qui fait agir de manière inconséquente. Les habitants de Stepford surenchérissent dans les croyances stupides, et chaque rumeur fait monter la pression.

Benedictus ne tolère pas ce qu'il sait d'Ephraim, alors, il le frappe. Il s'en prend à un enfant sans défense. En outre, la façon dont il traite son élevage en dit long sur la petitesse de son esprit.
Grizelda a peur de ce qui pourrait arriver, alors, sans essayer de comprendre, elle voudrait anéantir ce qu'elle croit être le mal.
Certains «camarades» d'Ephraim n'acceptent pas ses différences, alors, ils le frappent. La bêtise de l'intolérance engendrée par l'ignorance cultivée est bien exploitée. L'auteur montre bien comme les gens bien pensants et bien propres sur eux ne veulent pas voir au-delà de ces apparences. Il est très facile de gratter le vernis de ces gens-là, confits dans leurs certitudes et dans leur auto-satisfaction.
Outre Jack, Fannie, Jonathan, et Yoder tentent de voir au-delà de la saleté et de la brutalité d'Ephraim. On se retrouve en pleine chasse aux sorcières, et on n'est pas si loin des horreurs commises il y a plusieurs siècles à l'encontre de prétendus sorcières et loups garous.
Quant à Owen, il est juste excité par l'idée d'un scoop, et de découvrir la solution d'une énigme.

Il y a quand même des notes de répit, d'optimisme. Par exemple, lorsqu'après le plaidoyer de Yoder, personne ne s'élève contre le fait qu'Ephraim soit retiré à son frère, confié à sa tante, et aidé, alors qu'au départ, il était devant des personnes en colère. Cela semble un moment hors du temps, car tous ces gens finissent par être à peu près d'accord, malgré leurs croyances et leur vécu.

Malheureusement, le style et la lenteur ne servent pas ces thèmes. L'histoire aurait gagné en force si le roman n'était pas si lent. Il met beaucoup de temps à démarrer. L'auteur commence par présenter les personnages. C'est un peu poussif.
Ensuite, il y a des digressions tout au long du roman. Par exemple, le combat de boxe est assez indigeste à lire. Il est long, et on ne sait pas trop ce qu'il vient faire ici. Bien sûr, il fait partie de la vie des protagonistes, mais je pense que la description aurait pu être plus courte.
Le dernier chapitre est assez long, et il est rempli de scènes de combats, de lynchages, de manifestation de haine aveugle... Cela m'a dérangée. J'ai également été écoeurée par l'espèce de folie qui saisit Jonas, et qui le fait abattre les chiots qui ont le seul tort d'aboyer!

D'autre part, le style est trop fleuri, trop chargé. Certaines phrases sont très longues, avec de longues parenthèses. Certains passages sont écrits de manière absconse, presque sibylline.

Conseillé par
9 juillet 2010

Ce roman a su me surprendre. À partir du moment où Schell voit le fantôme, je me suis dit que l'intrigue était toute tracée, qu'il n'y aurait pas trop de surprises. Je me suis bien trompée. L'auteur nous délivre une intrigue sans temps morts, car il sait distiller les indices et les découvertes avant que le lecteur s'ennuie.

On se doute peut-être de certaines choses, par exemple, on sait très bien que le «monstre» qui attaque la petite bande est une «personne», mais on ne sait pas trop comment imbriquer tous les éléments.

Le livre contient une bonne dose d'humour qu'on retrouve surtout dans les séances de spiritisme, lorsque le lecteur découvre les subterfuges employés par la bande pour être crédible.
J'ai bien ri quant à la scène de la petite culotte, et surtout de la façon dont Diego a su improviser une histoire!

Quant à la raison pour laquelle tout ceci est déclenché, elle rappelle la folie engendrée par certaines idées. Elle rappelle également de manière objective et dépouillée le danger de ces idées. J'ai trouvé cela bien plus percutant que si le livre avait abordé la seconde guerre mondiale parce que, malheureusement, en ce moment, tout le monde met son grain de sel, là-dessus, galvaudant le thème, ainsi que je l'ai déjà dit dans une autre critique.

Quant à la fin du livre, si certaines choses pourraient ne pas plaire, rien n'est bâclé, tout se tient.

Les personnages sont sympathiques au lecteur, malgré leur façon de profiter de la douleur des gens. Ils ont tous une particularité qui amuse ou attendrit: Schell n'est pas seulement un escroc fasciné par la vie des papillons, Anthony n'est pas uniquement un Hercule... Quant à Diego, il n'est pas le stéréotype de l'adolescent qu'on rencontre dans certains livres. Il réfléchit, a certaines valeurs inculquées par Schell et peut-être aussi par son passé douloureux. On suit également ses premiers émois amoureux, et on comprend son moment d'égarement lorsqu'il devient, pour un temps, le patron.
Isabel et Morgane sont également sympathiques.
Merlin est complexe... Je ne peux pas trop en dire quant à lui, mais ce personnage est, une fois de plus, la preuve qu'il ne faut pas se fier aux apparences. Il aurait intéressant que l'auteur l'analysât un peu plus.
Et comment oublier le Rongeur parmi les personnages «sympathiques»? S'il ne l'est pas pour tout le monde, il l'est du moins pour le lecteur qu'il fait rire.

Conduite en état livresque

Conseillé par
5 juillet 2010

La construction de ce livre est quelque peu déroutante. On finit par la comprendre vers le chapitre 5 (les chapitres sont courts).

Outre cette construction, le lecteur doit distinguer le vrai du faux dans le manuscrit envoyé par Edouard Dayms. Il y sera aidé par l'histoire que raconte Alexandre, mais là encore, il est dérouté, car certains détails sont employés différemment selon qu'on est dans le manuscrit ou dans ce qui a été vécu. Tout est étroitement mêlé.

À un moment, j'ai pensé que la construction et l'entrelacs vrai/faux était la poudre aux yeux qui cachait une intrigue médiocre. En effet, on sait déjà ce qui s'est passé, tout est terminé, et Alexandre ne fait que plonger dans ses souvenirs. En fait, il ne faut pas lire ce livre comme un polar. C'est l'erreur que j'ai faite, au départ. Pour moi, c'est plutôt un jeu de pistes, et une étude psychologique. Toute la perversité de la personne qui manipule son monde est peu à peu dévoilée. Le lecteur sera également frappé, et un peu écoeuré, par la fascination qu'Edouard exerça sur Alexandre. J'ai trouvé ça un peu gros. Alexandre connaît déjà ce monde glauque et lugubre, il a déjà dû rencontrer des Edouard Dayms au long de ses enquêtes... C'est le thème du bien fasciné par le mal ou quelque chose de ce genre... j'ai trouvé cela peu crédible.

Si on peut comprendre pourquoi Edouard en est arrivé là, si l'explication psychologique est plausible, elle m'a paru un peu facile... Il me semble que ce genre de ficelle a été maintes fois utilisée. Elle n'en reste pas moins réaliste.

La psychologie d'Alexandre est également intéressante. Il est complexe: à la fois sympathique et antipathique au lecteur. J'avoue l'avoir plus blâmé que plaint. Mais il passera le reste de sa vie à expier, et contera son histoire sans complaisance. Là encore, les thèmes m'ont paru un peu fades, car beaucoup utilisés, et pas tellement renouvelés ici.

La toute fin est une note d'espoir. Alexandre doit accomplir une espèce de geste symbolique, qui est un peu une catharsis. Peut-être va-t-il pouvoir se construire une nouvelle vie avec de nouveaux objectifs (pas si nouveaux que ça, finalement)...

Conduite en état livresque